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Interview du Ministre de l’Energie, chargé des Ressources Naturelles, Son Excellence Monsieur Yonis Ali Guedi en marge du Sommet africain de l’énergie, à Dar Es Salam, en Tanzanie.
Le Centre International de Conférences Julius Nyerere de Dar Es Salam, en République-Unie de la Tanzanie a abrité, les 27 et 28 Janvier 2025, le Sommet des Chefs d'État africains de l'Energie « Mission 300 ». Une forte délégation conduite par le Président de la République, Son Excellence Monsieur Ismail Omar Guelleh dont le Ministre de l’Energie, chargé des Ressources Naturelles, Son Monsieur Yonis Ali Guedi, a pris part à cet important sommet africain sur l’énergie. Dans ce cadre, le Ministre Yonis Ali Guedi a donné une interview à la presse écrite en répondant à quelques questions sur les enjeux inhérents à cette initiative novatrice, audacieuse et ambitieuse dénommée « Mission 300 ».
Voici l’intégralité de cet entretien accordé par le Ministre.
-Monsieur le Ministre, vous avez accompagné le Président de la République, Son Excellence Monsieur Ismail Omar Guelleh au Sommet des Chefs d’Etat Africains sur l’énergie « Mission 300 ». Quel était l’objectif poursuivi par ce Sommet ?
Le Ministre Yonis Ali Guedi : Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour votre question qui témoigne de l’intérêt que vous portez aux problématiques énergétiques du continent africain en général et du secteur de l’énergie national en particulier.
En effet, notre pays a été représenté, à ce Sommet des Chefs d’Etat Africains sur l’énergie au plus haut niveau par le Président de la République, Son Excellence Monsieur Ismail Omar Guelleh, à la tête d’une forte délégation. Cet important Sommet africain sur l’énergie « Mission 300 » s’est tenu à Dar Es Salam, les 27 et 28 Janvier 2025, sous l’égide de la Présidente de la République-Unie de la Tanzanie, Son Excellence Madame Samia Suluhu Hassan, du Président en exercice de l’Union Africaine et Président de la République Islamique de la Mauritanie, Son Excellence Monsieur Mohamed Ould El-Ghazaouani, du Président du Groupe de la Banque Mondiale, M. Ajay Banga et du Président de la Banque Africaine de Développement, M. Akinwumi Adesina. Cet événement a réuni des nombreux Chefs d’État africains, des partenaires internationaux dont l’Alliance mondiale pour l’énergie au service des populations et de la planète (GEAPP) et la Fondation Rockefeller, des organismes philanthropiques et des dirigeants du secteur privé pour faire avancer, durant deux jours, la Mission 300.
Ce Sommet a constitué une plate-forme essentielle de collaboration et d’engagement, où toutes les parties prenantes ont uni leurs efforts pour faire face à l’un des défis les plus pressants de l’Afrique : l’accès à l’énergie. L’objectif principal poursuivi par ce Sommet était donc de fournir l'accès à une énergie propre, fiable, durable et abordable à plus de 300 millions d'africains, d’ici 2030.
-Vous avez tantôt évoqué « la Mission 300 ». En quoi consiste-t-elle réellement ? Quels sont ses avantages, ses défis et qui seront les partenaires essentiels dans la réalisation de cette initiative ?
Le Ministre Yonis Ali Guedi : Il faut d’abord savoir que l’initiative « Mission 300 » a été lancée en Avril 2024 par le Groupe de la Banque mondiale et le Groupe de la Banque africaine de développement dans le cadre d’une collaboration sans précédent, aux côtés d’autres partenaires mondiaux, afin de combler le déficit persistant d’accès à l’énergie en Afrique, en tirant parti de technologies et de financements innovants. Près de 600 millions d’Africains, n’ont pas accès à l’électricité, représentant 83 % de la population mondiale privée d'électricité.
L'appellation « Mission 300 » vient tout d’abord du fait qu’il s’agit d’une initiative dont le but est de favoriser l'accès à une énergie propre, à plus de 300 millions d'africains, d’ici 2030, sur les 600 millions d'habitants en Afrique, dépourvus pour l'heure de cet accès à l'électricité. Pour atteindre cet objectif chiffré, « Mission 300 » se concentre sur deux axes majeurs à savoir l’expansion du réseau électrique actuel et le développement des connexions dans les régions mal desservies, d’une part et le déploiement des mini-réseaux et des solutions solaires autonomes pour fournir de l’électricité aux communautés vivant dans des zones reculées et hors réseau, d’autre part. C’est donc une initiative novatrice, audacieuse et ambitieuse qui vise à élargir l’accès à l’énergie, à accélérer la transition vers une énergie propre sur le continent africain et à faire avancer ce plan ambitieux qui a pour but de répondre à la crise énergétique persistante en Afrique. C’est aussi un mouvement destiné à créer un impact durable qui alimentera la croissance de l’Afrique et permettra à des millions de personnes d’accéder aux services essentiels fournis par l’électricité.
Il sied de noter que ce qui différencie cette initiative de ce que les institutions avaient fait par le passé réside dans l’approche collaborative adoptée du fait que tous les partenaires publics et privés travaillent en synergie d’action et avec de nombreuses institutions travaillant main dans la main pour mettre en œuvre ce programme. La stratégie de « Mission 300 » englobe à la fois le développement du réseau traditionnel et des solutions innovantes hors réseau dans les régions reculées. Le programme donnera la priorité aux modèles de financement durables et relèvera des défis cruciaux tels que les asymétries de devises dans le financement des projets.
Ses avantages s’avèrent être des impacts transformateurs, non seulement pour les populations africaines car l’accès à l’énergie transformera leurs vies surtout pour les communautés isolées et vulnérables mais aussi pour les économies africaines dans la mesure où une énergie fiable, abordable et durable créera des emplois, générera des revenus plus élevés et une croissance économique plus forte. Il ne faut pas oublier l’impact de cette nouvelle initiative pour le climat car l’exploitation des énergies renouvelables réduira la dépendance aux combustibles fossiles polluants tels le kérosène et le diesel, ce qui favorisera l’atteinte des objectifs climatiques mondiaux tout en répondant aux besoins énergétiques croissants des populations et du tissu industriel.
Son défi est que près de 600 millions d’africains sont privés d’électricité, ce qui représente 83% du déficit énergétique mondial. Il est d’urgence absolue d’accélérer le rythme d’électrification sur le continent. Toutefois les progrès technologiques, les modèles commerciaux innovants et les mécanismes de financement permettent de relever le défi afin de combler l’écart en matière d’accès à l’énergie.
La réussite, dépendant nécessairement d’une collaboration étroite entre un large éventail d’acteurs, les partenaires de la « Mission 300 » sont multiples, notamment :
-Les Institutions Financières dont le Groupe de la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement qui doivent intensifier leurs financements et leur assistance technique pour permettre à 300 millions de personnes d’accéder à l’énergie ;
-Les gouvernements africains qui sont appelés à mener des réformes pour moderniser le secteur de l’énergie et adopter des pactes nationaux pour l’énergie avec des objectifs mesurables dans les domaines de la production d’une énergie rentable, du renforcement de l’intégration régionale pour le commerce énergétique transfrontalier, de l’intensification de l’électrification sur toute l’étendue du territoire avec des solutions renouvelables, du déblocage de l’investissement privé grâce à des cadres réglementaires favorables et au renforcement des services publics ;
-Le secteur privé qui jouera un rôle essentiel pour développer l’accès à l’énergie et des solutions d’énergies renouvelables distribuées, telles que les mini-réseaux et les systèmes solaires autonomes. L’investissement privé sera également déterminant pour développer davantage la production. La réalisation de la Mission 300 nécessitera une collaboration efficace entre les secteurs public et privé pour concrétiser des solutions énergétiques durables ;
-Les communautés locales et les populations sont placées au cœur de cette initiative pour s’assurer que les projets impulsés et les investissements énergétiques engagés soient adaptés à leurs besoins ;
-Et des donateurs, des philanthropes et des partenaires comme le Programme d’aide à la gestion du secteur de l’énergie (ESMAP), le Fonds pour l’énergie durable pour l’Afrique (SEFA), la Fondation Rockefeller, l’initiative Energie durable pour tous (SEforALL) et l’Alliance Mondiale pour l’énergie au service des populations et de la Planète (GEAPP) aident à mobiliser davantage de financement publics et privés pour atteindre l’objectif de connexion de 300 millions d’africains à l’électricité.
-Monsieur le Ministre, vous avez participé, Lundi 27 Janvier, 1er jour du Sommet à la Journée dédiée à la rencontre ministérielle et aux partenariats, organisée en amont de la rencontre des Chefs d’Etat et de gouvernement africains. Les discussions s'articulaient autour de plusieurs points cruciaux en matière d’accès à l’énergie, pouvez-vous nous donner un aperçu général de cette première journée des travaux ?
Le Ministre Yonis Ali Guedi: Oui effectivement, en prélude au Sommet des Chefs d’Etat Africains sur l’énergie, et aux côtés de mes collègues de l’énergie des autres pays africains, j’ai participé, Lundi 27 Janvier 2025, à la journée dédiée à la rencontre ministérielle et aux partenariats. Cette première journée des travaux présidée par le Vice-premier ministre et Ministre de l’Energie de la République-Unie de la Tanzanie, Son Excellence Monsieur Doto Biteko, a rassemblé les ministres de l’énergie des pays africains, la Commissaire à l’énergie de la Commission de l'Union Africaine, des représentants des institutions financières internationales et les acteurs majeurs du secteur énergétique africain et mondial. Au cours de cette importante rencontre, nous avons abordé des thématiques pertinentes relatives aux voies et moyens d’améliorer l’accès à l’énergie sur notre continent et d’attirer les investissements privés. Nous avons aussi évoqué les politiques et les réformes nécessaires à mener dans le domaine énergétique africain et surtout la meilleure façon d’impliquer les partenaires au développement internationaux dans le processus d’accélération de la transformation énergétique en Afrique.
-Quels ont été les principaux résultats atteints lors de ce Sommet africain de l’énergie ?
Le Ministre Yonis Ali Guedi: Il convient de noter que le sommet s’est achevé sur la signature de la Déclaration de Dar es Salam sur l’énergie, dans laquelle les gouvernements africains s’engagent à accélérer l’accès à l’énergie, à promouvoir l’adoption des énergies renouvelables, l’utilisation de la cuisson propre et à attirer les investissements privés. Le sommet a dévoilé des nouvelles initiatives visant à stimuler la mobilisation des ressources nationales et à encourager le commerce transfrontalier afin de répartir les risques et d’accroître le financement de l’accès à l’énergie. Par ailleurs, douze pays se sont engagés à mener des réformes dans cinq domaines clés : la production d’électricité à faible coût, l’intégration énergétique régionale, l’amélioration de l’accès à l’énergie, la promotion des investissements privés et le renforcement des services publics. Les institutions financières, telles que la Société financière internationale ont présenté de nouveaux véhicules d’investissement et des initiatives de financement pour soutenir le rôle du secteur privé dans la promotion des solutions d’énergie renouvelable. Le Groupe de la Banque Mondiale (BM) a promis un financement d’un montant dépassant les 22 Milliards de dollars US, le Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD) apportera quant à lui un financement à hauteur de 18 Milliards de dollars US, soit un total de 40 milliards de dollars US de promesses de financement pour ces deux Institutions financières. L’Alliance mondiale pour l’énergie au service des populations et de la planète (GEAPP) et la Fondation Rockefeller ont d’ores et déjà engagé dix millions de dollars pour créer un mécanisme d’assistance technique destiné à soutenir des projets dans le domaine de l’électricité dans onze pays africains. La réunion de deux jours a mis également en lumière les succès du secteur de l’énergie dans certains pays, établit une alliance des acteurs du secteur pour accélérer les investissements dans les infrastructures énergétiques et renforcé la planification régionale de l’énergie, les échanges commerciaux et les cadres politiques pour soutenir la mise en œuvre d’un Plan directeur continental et du Marché unique africain de l’électricité.
-Quelles seront les retombées positives attendues des décisions et des mesures prises lors de ce Sommet pour l’ensemble des pays africains et pour notre pays ?
Le Ministre Yonis Ali Guedi : Comme vous l’avez suivi, ce Sommet a débouché sur la prise des décisions fortes et des mesures concrètes. Les répercussions seront donc positives pour l’ensemble des pays africains et surtout pour les populations en Afrique qui bénéficieront d’un accès à une énergie propre, fiable, durable et d’un coût abordable d’où par conséquent le développement des activités socio-économiques génératrices de revenus, la création d’emplois et plus de croissance économique. Pour ce qui concerne notre pays, cette initiative doit nous permettre d’obtenir les financements nécessaires à nos nombreux projets énergétiques d’envergure, de connecter davantage de nos concitoyens à l’électricité, de renforcer les capacités et les compétences de nos ingénieurs en bénéficiant de l’assistance technique des partenaires au développement ainsi que du transfert des techniques et des technologies vertes, sans oublier les opportunités en termes de création d’emplois verts, de développement industriel et de la croissance économique qui découleront de la transition vers les énergies propres.
-Monsieur le Ministre, votre mot de la fin pour conclure ?
Le Ministre Yonis Ali Guedi : Pour clore mon propos, je voudrais dire que ce Sommet intervient à un moment historique pour l’Afrique. Attirant des milliers de participants venus de toute l’Afrique et du monde entier, ce sommet a marqué incontestablement une étape cruciale dans le parcours collectif du continent vers l’accès universel à l’énergie. Pour notre continent, Il y a une urgence d’agir dans la mise en œuvre de cette Mission 300, car l’horizon fixé pour 2030 est dans cinq ans à peine et les pays africains doivent fournir des raccordements réels à plus 300 millions de personnes. Mettant en évidence le besoin urgent de disposer d’une énergie fiable, abordable et durable pour stimuler la croissance économique et débloquer le développement sur l’ensemble du continent, ce sommet a constitué un tournant majeur dans la quête de l’Afrique pour un accès universel à l’électricité, en posant les bases d’un avenir énergétique durable et équitable pour le continent et en établissant des partenariats solides pour des solutions énergétiques innovantes.
Je voudrais saluer ici l’engagement du Président de la République, Son Excellence Monsieur Ismail Omar Guelleh. Son leadership visionnaire, sa volonté inébranlable et sa détermination sans faille ont permis à notre pays de concrétiser des nombreux projets d’énergies renouvelables et à impulser d’autres, d’instituer des réformes structurelles majeures, d’établir des partenariats public-privé fructueux et de libéraliser notre marché de l’électricité aux producteurs indépendants. En somme, fort de la volonté politique et de notre potentiel exceptionnel en ressources énergétiques renouvelables, nous sommes pleinement capables de relever le défi et de réaliser les attentes de la « Mission 300 » en fournissant à nos populations une énergie propre, fiable, durable et abordable. Nous ne ménagerons donc aucun effort pour y parvenir.
Comme l’a si bien dit le Président de la République, Son Excellence Monsieur Ismail Omar Guelleh, dans son discours à l’ouverture de ce Sommet, je le cite « le pouvoir de transformation est entre nos mains, la responsabilité nous incombe pleinement. Le temps est venu pour nous d’agir ! ».
Enfin pour finir, je tiens à remercier le gouvernement de la République-Unie de Tanzanie, l’Union africaine, le Groupe de la Banque africaine de développement et le Groupe de la Banque mondiale pour la qualité de l’organisation de cet événement historique.